Bonjour,
Ce fut plutôt sympathique d'échanger sur la classe virtuelle, nous renouvellerons l'expérience la semaine prochaine. Non pas pour faire un véritable cours, difficile dans ces conditions, mais pour faire le point sur la compréhension des consignes et vous permettre de poser toutes les questions utiles (oui, j'ai bien dit utiles, donc rien de superflu ou de déplacé sur la messagerie).
Certains m'ont envoyé le travail à faire sur Baudelaire, je vous donne une (bonne) réponse sur ce blog, due à une élève de seconde 3.
Dans cette réponse, le relevé des détails sensuels du texte est juste, mais l'érotisme dans ce texte ne se limite pas à l'évocation du corps féminin. Vous pouvez admirer le magnifique enchaînement des troisième et quatrième strophes qui imitent langoureusement le mouvement de l'amour, traduit par le mouvement de la mer.
Comme souvent dans la poésie de Baudelaire (ceux qui liront les Fleurs du mal pour s'en convaincre), l'évocation de la femme exprime une bienheureuse passivité, une extase.
Evidemment, cette évocation très sensuelle n'est pas du goût d'E. Pinard !
On comprend que ce poème fasse partie des huit poèmes censurés du recueil.
Mais reconnaissons que le procureur de l'Empire, malgré ses préjugés, a justement su lire Baudelaire.
Par rapport à Baudelaire, il utilise un peu le même argument, l'intention générale d'une oeuvre ne saurait la justifier. Et même si Baudelaire proteste d'une intention hautement morale (comme cela vous est expliqué dans la petite vidéo), il considère qu'on ne peut y voir "un enseignement' mais toujours "une offense".
Je vous avais demandé de faire une étude stylistique des lignes 13 à 18, en vous intéressant tout particulièrement à l'énonciation, à l'usage des pronoms.
l. 13. Le pronom "je" désigne Baudelaire, comme le confirme l'incise "direz-vous". E. Pinard donne la parole à son adversaire, c'est un procédé assez efficace en plaidoirie, qui consiste à utiliser la parole rapportée comme si l'on entrait en dialogue avec son adverse. Ce procédé,
- anime le réquisitoire, en lui donnant une forme dialoguée
- permet un rapprochement, une sorte de complicité
- mais surtout permet à E. Pinard de garder la maîtrise du discours. Car il prête à son adversaire les pensées, les objections qu'il veut, et qu'il sait combattre avec ses arguments.
Ce procédé est l'interpellation, que l'on trouve par exemple dans les plaidoiries de Cicéron (regardez dans votre cours)
Le pronom "vous" permet d'accuser directement le poète. Remarquons d'ailleurs l'allusion à la censure économique que j'avais évoquée :"vous vendez à bas prix" (au XIXe siècle, les véritables interdictions sont rares, on essaie d'éviter l'édition de livres scandaleux à bas prix afin d'éviter qu'il ne corrompent les classes populaires)
Cela dit, on peut dire que malgré son opposition, E. Pinard a vraiment compris Baudelaire, on le voit bien quand il utilise le mot "antidote" (voir ligne 17-18). Le poison est d'ailleurs un thème récurrent dans les Fleurs du mal. Il en parle avec une certaine profondeur, et semble avoir compris la dimension proprement maladive de l'oeuvre du poète : "l"homme est toujours plus ou moins infirme, plus ou moins faible, plus ou moins malade". C'est justement un aspect essentiel de l'oeuvre de Baudelaire qui dépeint, même dans l'érotisme, la déchéance humaine, que l'on peut rapprocher de l'idée religieuse de premier péché, justement de "chute originelle" (ligne 24).
Mais Pinard ne va pas au bout de cette bonne intention, en faisant à Baudelaire un reproche tout à fait infondé, celui d'écrire des "frivolités lascives" (ligne 29), il est ici dans son rôle de représentant de la société pudibonde du Second Empire.
Travail à faire
Je vous invite maintenant à lire un extrait de la préface de la deuxième édition de Thérèse Raquin, roman de Zola que certains d'entre vous liront en lecture cursive.
Questions :
1) Zola écrit une préface à la seconde édition de son roman Thérèse Raquin. Pouvez-vous deviner, en lisant cette préface, ce qu'on a reproché à son roman ?
Vous pouvez compléter cette réponse en complétant votre recherche sur la façon dont son oeuvre a été reçue en son temps;
2) Qu'est-ce qui montre que Zola aborde le roman comme une démarche scientifique ?
3) Quelle est la différence entre un "caractère" et un "tempérament" ?
Pour cette dernière question vous pouvez aussi consulter le dictionnaire Littré en ligne
Voici le texte, il est également téléchargeable en pdf sur Pronote
L'auteur des Rougon-Macquart rend hommage à celui de la Comédie humaine
Ce fut plutôt sympathique d'échanger sur la classe virtuelle, nous renouvellerons l'expérience la semaine prochaine. Non pas pour faire un véritable cours, difficile dans ces conditions, mais pour faire le point sur la compréhension des consignes et vous permettre de poser toutes les questions utiles (oui, j'ai bien dit utiles, donc rien de superflu ou de déplacé sur la messagerie).
Certains m'ont envoyé le travail à faire sur Baudelaire, je vous donne une (bonne) réponse sur ce blog, due à une élève de seconde 3.
Le poème « Les bijoux » écrit par Charles Baudelaire et faisant partie du recueil de poèmes Les Fleurs du mal a été censuré en 1857. En effet, ce poème a choqué des gens car il était très osé. Baudelaire décrivait très explicitement le corps nu d’une femme. « La très chère était nue » (l.1), « Et son bras, sa jambe , et ses cuisses et ses reins » (l.17). Il parle aussi très librement du plaisir charnel en utilisant un vocabulaire lascif.
Dans son réquisitoire, E.Pinard utilise les pronoms « je » et « vous » pour faire comme si il adressait à Baudelaire, rendant la conversation plus personnelle, plus intime, et donc plus convaincante.
Dans ce réquisitoire, E.Pinard s’adresse différemment à Baudelaire qu’il s’était adressé à Flaubert. En effet, Il reprochait à Flaubert ce qu’il écrivait alors qu’il dit avoir compris le message de Baudelaire mais doutait que cette même compréhension serait présente chez les lecteurs. Il avait compris que le message de Baudelaire n’était pas d’inciter à la débauche mais en effet, de la prévenir et de s’en éloigner. Il craignait simplement que chez ses les lecteurs les plus jeunes et les moins instruits, ses textes auraient l’effet inverse.
Dans cette réponse, le relevé des détails sensuels du texte est juste, mais l'érotisme dans ce texte ne se limite pas à l'évocation du corps féminin. Vous pouvez admirer le magnifique enchaînement des troisième et quatrième strophes qui imitent langoureusement le mouvement de l'amour, traduit par le mouvement de la mer.
A mon amour profond et doux comme la mer
Qui vers elle montait comme vers sa falaise
Comme souvent dans la poésie de Baudelaire (ceux qui liront les Fleurs du mal pour s'en convaincre), l'évocation de la femme exprime une bienheureuse passivité, une extase.
D'un air vague et rêveur, elle essayait des poses
Et la candeur unie à la lubricité
Donnait un charme neuf à ses métamorphoses
Evidemment, cette évocation très sensuelle n'est pas du goût d'E. Pinard !
On comprend que ce poème fasse partie des huit poèmes censurés du recueil.
Mais reconnaissons que le procureur de l'Empire, malgré ses préjugés, a justement su lire Baudelaire.
Par rapport à Baudelaire, il utilise un peu le même argument, l'intention générale d'une oeuvre ne saurait la justifier. Et même si Baudelaire proteste d'une intention hautement morale (comme cela vous est expliqué dans la petite vidéo), il considère qu'on ne peut y voir "un enseignement' mais toujours "une offense".
Je vous avais demandé de faire une étude stylistique des lignes 13 à 18, en vous intéressant tout particulièrement à l'énonciation, à l'usage des pronoms.
l. 13. Le pronom "je" désigne Baudelaire, comme le confirme l'incise "direz-vous". E. Pinard donne la parole à son adversaire, c'est un procédé assez efficace en plaidoirie, qui consiste à utiliser la parole rapportée comme si l'on entrait en dialogue avec son adverse. Ce procédé,
- anime le réquisitoire, en lui donnant une forme dialoguée
- permet un rapprochement, une sorte de complicité
- mais surtout permet à E. Pinard de garder la maîtrise du discours. Car il prête à son adversaire les pensées, les objections qu'il veut, et qu'il sait combattre avec ses arguments.
Ce procédé est l'interpellation, que l'on trouve par exemple dans les plaidoiries de Cicéron (regardez dans votre cours)
Le pronom "vous" permet d'accuser directement le poète. Remarquons d'ailleurs l'allusion à la censure économique que j'avais évoquée :"vous vendez à bas prix" (au XIXe siècle, les véritables interdictions sont rares, on essaie d'éviter l'édition de livres scandaleux à bas prix afin d'éviter qu'il ne corrompent les classes populaires)
Cela dit, on peut dire que malgré son opposition, E. Pinard a vraiment compris Baudelaire, on le voit bien quand il utilise le mot "antidote" (voir ligne 17-18). Le poison est d'ailleurs un thème récurrent dans les Fleurs du mal. Il en parle avec une certaine profondeur, et semble avoir compris la dimension proprement maladive de l'oeuvre du poète : "l"homme est toujours plus ou moins infirme, plus ou moins faible, plus ou moins malade". C'est justement un aspect essentiel de l'oeuvre de Baudelaire qui dépeint, même dans l'érotisme, la déchéance humaine, que l'on peut rapprocher de l'idée religieuse de premier péché, justement de "chute originelle" (ligne 24).
Mais Pinard ne va pas au bout de cette bonne intention, en faisant à Baudelaire un reproche tout à fait infondé, celui d'écrire des "frivolités lascives" (ligne 29), il est ici dans son rôle de représentant de la société pudibonde du Second Empire.
Travail à faire
Je vous invite maintenant à lire un extrait de la préface de la deuxième édition de Thérèse Raquin, roman de Zola que certains d'entre vous liront en lecture cursive.
Préface à la deuxième édition de Thérèse Raquin, 1868
Dans Thérèse Raquin, j’ai voulu étudier des tempéraments et non des caractères. Là est le livre entier. J’ai choisi des personnages souverainement dominés par leurs nerfs et leur sang, dépourvus de libre arbitre, entraînés à chaque acte de leur vie par les fatalités de leur chair. Thérèse et Laurent sont des brutes humaines, rien de plus. J’ai cherché à suivre pas à pas dans ces brutes le travail sourd des passions, les poussées de l’instinct, les détraquements cérébraux survenus à la suite d’une crise nerveuse. Les amours de mes deux héros sont le contentement d’un besoin ; le meurtre qu’ils commettent est une conséquence de leur adultère, conséquence qu’ils acceptent comme les loups acceptent l’assassinat des moutons ; enfin, ce que j’ai été obligé d’appeler leurs remords, consiste en un simple désordre organique, et une rébellion du système nerveux tendu à se rompre. L’âme est parfaitement absente, j’en conviens aisément, puisque je l’ai voulu ainsi.
On commence, j’espère, à comprendre que mon but a été un but scientifique avant tout. Lorsque mes deux personnages, Thérèse et Laurent, ont été créés, je me suis plu à me poser et à résoudre certains problèmes : ainsi, j’ai tenté d’expliquer l’union étrange qui peut se produire entre deux tempéraments différents, j’ai montré les troubles profonds d’une nature sanguine au contact d’une nature nerveuse. Qu’on lise le roman avec soin, on verra que chaque chapitre est l’étude d’un cas curieux de physiologie. En un mot, je n’ai eu qu’un désir : étant donné un homme puissant et une femme inassouvie, chercher en eux la bête, ne voir même que la bête, les jeter dans un drame violent, et noter scrupuleusement les sensations et les actes de ces êtres. J’ai simplement fait sur deux corps vivants le travail analytique que les chirurgiens font sur des cadavres.
Questions :
1) Zola écrit une préface à la seconde édition de son roman Thérèse Raquin. Pouvez-vous deviner, en lisant cette préface, ce qu'on a reproché à son roman ?
Vous pouvez compléter cette réponse en complétant votre recherche sur la façon dont son oeuvre a été reçue en son temps;
2) Qu'est-ce qui montre que Zola aborde le roman comme une démarche scientifique ?
3) Quelle est la différence entre un "caractère" et un "tempérament" ?
Pour cette dernière question vous pouvez aussi consulter le dictionnaire Littré en ligne
Voici le texte, il est également téléchargeable en pdf sur Pronote
L'auteur des Rougon-Macquart rend hommage à celui de la Comédie humaine
Pour vous aider à faire la troisième question sur la préface de Zola, vous pouvez chercher les définitions dans le dictionnaire Littré en ligne (c'est un dictionnaire du XIXe siècle qui donne le sens des mots à l'époque : littre.reverso.net
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