La ballade des pendus

L'inspiration macabre à la fin du Moyen-Age

Épidémie, 15/ Quand les morts mènent la danse – Actuel Moyen Âge

L'étymologie du mot macabre est incertaine, elle pourrait provenir du nom du peintre Jean Macabré auteur de tableaux représentant la mort, mais il pourrait s'agir d'un mot d'origine hébraïque, machabée, ayant transité par l'arabe et l'espagnol.
Les thèmes macabres sont très présents à la fin du Moyen-Age, danses macabres ou Triomphe de la mort.
Cela s'explique par des événements comme la guerre ou les épidémies, particulièrement la peste noire.
Mais ces représentations ont également un rôle social, elle proclament l'égalité de tous devant la mort, puissants ou pauvres. Les artistes se montrent très imaginatifs, et peuvent faire preuve d'ironie, comme le voir plus haut avec le squelette couronné.

Prolongement : où l'on voit que les circonstances actuelles ont remis au goût du jour les danses macabres 😨

La ballade "Frères humains" dite "Ballade des pendus"

Frères humains qui après nous vivez,
N'ayez vos cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous merci*.
Vous nous voyez attachés ici, cinq, six :
Quant à notre chair, que trop nous avons nourrie,
Elle est piecà dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre malheur, que personne ne s'en rie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre*! 
Si frères vous clamons, n'en devez
Avoir dédain, quoi que fûmes occis*
Par justice. Toutefois vous savez
Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis.
Excusez-nous, puisque nous sommes transis
Auprès du fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale foudre.
Nous sommes morts, qu'âme ne nous harie*
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre! 
La pluie nous a lessivés et lavés
Et le soleil desséchés et noircis;
Pies, corbeaux nous ont les yeux crevés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis;
De ci de là, comme le vent varie,
À son plaisir sans cesser nous charrie*,
Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre! 
ENVOI 
Prince Jésus qui sur tous a maîtrise,
Gardez qu'Enfer n'ait sur nous seigneurie :
Avec lui n'avons à faire, que soudre*
Hommes, ici pas de moquerie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre.
Vocabulaire
absoudre : pardonner
occis : tués
merci : pitié
harie : persécute/tourmente
soudre : solder

Questions

Identifiez les éléments macabres dans ce texte?
Qui parle dans cette ballade (quelle est la personne grammaticale employée)? A qui le poème est-il adressé ?
A l'époque de Villon ce poème a été publié sous le titre "Épitaphe en forme de ballade". Qu'est-ce qu'une épitaphe ?
Quels sentiments inspirent au lecteur la représentation des pendus?

La prosopopée

La prosopopée est une figure de style qui consiste à faire parler les morts ou les absents, parfois une idée absraite. Ici ce sont les pendus qui parlent, alors qu’il sont morts, et même réduits en « poudre ». En les représentant ainsi, pendus et décharnés, privés d'une chair qu'il ont nourrie toute leur vie ("lessivés et lavés"," desséchés et noirci"), le poète nous donne l’impression que les pendus nous parlent depuis l’éternité, comme s’il représentait le sort des malheureux de toutes les époques, même si le poète ne remet pas en question la justice qui les a condamnés.

L'épitaphe

Vraisemblablement, Villon aurait écrit la ballade "Frères humains" alors qu'il était en prison, condamné à la pendaison. On peut donc lire ce poème comme une épitaphe, c'est-à-dire une inscription funéraire rappelant la mémoire du mort. Villon se présente comme l'un de ces pendus qui appellent les humains à la compassion. Ce qui rend ce poème particulièrement personnel et autobiographique. Villon écrit sa propre épitaphe.

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Léo Ferré chante "Frères humains"

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